mardi 11 septembre 2012

Documentaliste : mon métier n'est pas bête et méchant !

Quand vous interrogez une personne au hasard, sur les mots qu'il lui vienne face au métier de documentaliste, vous avez bien souvent une réponse vous décrivant la vieille fille documentaliste revêche que vous ennuyiez au lycée, lors que vous veniez dans son C.D.I.

Aurélie B a aussi une bonne idée de ce qu'il pourrait en être...


Visiblement, pour faire mon métier, il faut être une vieille fille, ne pas être aimable ou même avoir le moindre sens du service et avoir une possessivité inimaginable avec votre lieu de travail. J'adresse donc toutes mes condoléances, aux femmes mariées, à celles qui ont moins de quarante-cinq ans, aux hommes dans leur globalité, à tous ceux qui souhaitent partager et à ceux qui viennent à la rencontre de leurs usagers : vous n'êtes pas des documentalistes, selon l'imaginaire collectif. Ce que vous êtes réellement ? Ces mêmes personnes qui décrient votre métier seraient bien en peine de vous le dire. Certainement un croisement entre une secrétaire, un assistant de direction et un métier qui ne sert à rien, car c'est ainsi que j'ai entendu décrire mon métier par des D.R.H.
Pourtant, ce n'est pas mon métier. (La meilleure raison est que je ne suis pas certaine d'arriver à avoir la patience que j'ai pu voir chez d'exceptionnelles secrétaires ou assistants de direction.)


Qu'est-ce qui me pousse aujourd'hui plutôt qu'un autre à cet article ? Ce sont deux attaques en règle contre mon métier, qui ont eu lieu à quelques jours d'intervalle dans le même journal.

La première a été faite dans l'article "Que faire des "mauvais" profs ?" de Rue89. L'une des solutions proposées était ni plus, ni moins, de les mettre dans un CDI. Pourtant, les professeurs-documentalistes passent un CAPES comme tous les enseignants titulaires et ce véritable métier a de véritables... études aussi. C'est un peu comme déclarer qu'un boulanger peut devenir plombier, sans soucis. Après tout, tous deux sont artisans.
Néanmoins, Eleusie avait réagi d'une manière très remarquée et saluée dans la profession dans un article publié au Nouvel Obs :  "Les "mauvais profs" placardisés à la documentation? Mon métier n'est pas une poubelle"

Le seconde est fraîche du jour. Rue89 fait régulièrement des articles "porte-monnaie" où une personne leur présente ses revenues et ses dépenses. Aujourd'hui, il vous présentait "Erol, responsable au MJS, étudiant et documentaliste, 732 euros par mois"
J'avoue quand j'ai vu le salaire, j'ai tiqué. Je suis donc immédiatement descendue à la partie "revenus" pour plus de détails. Partie qui est à l'origine de cet article.

Sachez donc que pour Rue89, "« moniteur étudiant » [est] plus couramment appelé documentaliste" et que pour décrire ce métier, ils ont choisi la citation suivante : "C’est un boulot un peu « bête et méchant » qui consiste à accueillir les étudiants, les orienter, les aider à trouver des livres…"
Je n'ai qu'une chose à dire : Mais mince alors ! Je fais un chouette métier, que -comme bon nombre de mes collègues- je promeus, je présente, j'explique et on nous réduit encore à cette fausse image d'Epinal, tout en dévalorisant la partie la plus importante de notre métier ? Mais mince alors ! (Allez, j'avoue. C'était pas "mince alors" qui me venait en premier, mais restons diffusable pour tous les âges.)

Un screenshot des éléments que je vous cite, pour mémoire si l'article venait à être repris.


Un documentaliste est quelqu'un qui gère des documents pour que l'on puisse s'en servir quotidiennement. C'est une présentation un peu sommaire de notre métier, mais c'est la seule que l'on puisse facilement appliquer à toute la profession tellement elle est large. Vous trouvez aussi bien des professeurs documentalistes que des web-documentalistes, que des info-managers ou même des veilleurs. Mon métier est très large et chaque spécialité a ses spécificités : transmission des savoirs, intelligence économique, ...

Mais qu'est-ce qu'un moniteur étudiant et pourquoi ne peut-il pas être une de ces branches de la documentation ?
Déjà, il faut dire l'évidence : un moniteur étudiant est un étudiant. Il n'est donc pas un professionnel et dans l'intitulé même de son poste, il n'a pas vocation à être un professionnel. Ce qui n'est pas du tout le cas du documentaliste, qui se doit d'être un professionnel et qui a été formé dans cette optique par des études de deux à cinq ans après le bac. Un article des Bulletins des Bibliothèques de France de 1993 nous explique qu'il est visiblement une aide non-professionnelle aux bibliothécaires, qui a plus de connaissances que ces derniers dans le cursus que cet étudiant suit. Ce qui est parfaitement vrai ! Aussi cultivé ou passionné que peut l'être un bibliothécaire, il n'est pas un expert dans tous les domaines. C'est humain.
Mais le moniteur étudiant n'est pas non plus un bibliothécaire. En fait, un moniteur étudiant est... Un moniteur étudiant. Voilà. C'est dit. Quand un boulot porte un nom sur un contrat, c'est souvent qu'il s'appelle comme cela.

L'autre point est que ce serait "un boulot un peu « bête et méchant » qui consiste à accueillir les étudiants, les orienter, les aider à trouver des livres…"
Mais oui, les documentaliste en bibliothèque accueillent des étudiants (mais pas que ! on reçoit aussi des enseignants, des chercheurs, des professionnels du secteur privé, ...), nous les orientons, nous les aidons. Et ce n'est pas bête et méchant. Cela s'appelle le service (public, dans le cas de ce jeune homme qui se réclame du PS et qui devrait savoir que ce parti a annoncé qu'il redonnerait du sens au concept de "service public").
Recevoir et communiquer avec nos usagers, c'est aussi faire comme il faut notre métier. C'est savoir ce dont ils ont besoin. C'est valable aussi bien dans le public que dans le privé. Un documentaliste coupé du monde de ses usagers ne peut pas savoir quels sont les véritables besoins (ce que nos usagers nous expriment souvent d'une mauvaise manière), mais il ne peut pas non plus devancer les besoins de ses usagers. (Ou autrement il est sacrément bon, mais je n'ai jamais vu un documentaliste qui refuse de rencontrer ses usagers et qui est sacrément bon.)
L'accueil du public en bibliothèque universitaire me tient particulièrement à coeur, car il a été le sujet de mon mémoire de M1. Ce n'est pas juste être derrière une banque d'accueil et répondre par monosyllabes aux usagers. C'est bien plus large que cela. C'est accueillir dans le temps (les horaires d'ouverture cohérents avec les usagers), dans l'espace (un lieu où tous les usagers peuvent venir) et dans l'attitude (un personne disponible et apte à répondre à leurs besoins).

Néanmoins, le dernier point qui m'agace le plus est celui du "journaliste". Un journaliste vérifie ses sources, en théorie. Il vérifie qu'il ne donne aucune fausse information. Ce n'est pas le cas ici. Il transmet et encourage des idées fausses et que je trouve assez insultantes sur mon métier.
Non, mon métier est un beau métier. Mon métier permet de faire avancer d'autres professionnels. Mon métier demande de l'intérêt pour l'autre, de la passion pour ce que l'on fait et du courage pour justifier l'existence de nos centres de documentation à tous les niveaux et dans la majorité des structures. Nous sommes un "métier support" comme disent certains professionnels, comme les secrétaires, les comptables ou les assistants de gestion. Nous détenons un savoir professionnel que nous souhaitons mettre à votre disposition.


Mon métier, je le vois comme une métaphore que j'ai entendu au lycée et qui serait de Bernard de Chartes. Elle expliquait que les grands Hommes, ceux qui font avancer notre monde étaient des nains, mais qu'ils étaient juchés sur les épaules de géant, les autres Hommes, et que de ce fait -et uniquement de ce fait-, ils voyaient un tout petit peu plus loin.
Mon métier, pour moi, c'est d'être le géant sur les épaules duquel les autres professionnels viendront se jucher pour voir un peu plus loin, un peu mieux que leurs confrères.

5 commentaires:

  1. "Mon métier, pour moi, c'est d'être le géant sur les épaules duquel les autres professionnels viendront se jucher pour voir un peu plus loin, un peu mieux que leurs confrères." Je crois bien que c'est la plus belle définition de notre métier que j'ai entendu depuis longtemps, surtout dans le contexte actuel. Il faudrait faire publir cet article sur Rue89!
    une documentaliste qui accueille et oriente ses usagers dans son centre de doc.

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  2. Je retiendrai également cette superbe citation qui me semble tout à fait coller à notre profession! C'est vrai que bien souvent nous ne sommes pas reconnus, je suis dans le privé et je m'entends souvent dire que mon service ne rapporte pas d'argent... pourtant tous mes collègues se servent systématiquement de mes services pour mettre en place et développer tous leurs projets !... Et les usagers semblent satisfaits puisqu'ils viennent et reviennent.
    Une documentaliste du sud

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  3. Bravo pour la citation!
    c'est vrai qu'il nous en manque des visionnaires surtout en ce moment. c'est pour cela que le monde tourne si mal.
    Vive le métier du livre et son esprit d'ouverture

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  4. Il y a quelques années (des millénaires, dans mon esprit...) j'ai moi même été moniteur(-trice) étudiant(-e) dans cette bibliothèque universitaire de la montagne Sainte Geneviève qui ne dit pas son nom. On m'avait recrutée sur mes compétences documentaires. Mes horaires : 5h au rangement de la salle de lecture pendant les heures d'ouverture et le reste à l'entrée, au filtrage des étudiants, dans les courants d'air froids. Il était tellement "bête et méchant", ce job, que j'ai tenu un mois...
    Aujourd'hui je suis professeur documentaliste en collège, j'aime mon boulot passionnément, mes élèves sont bien plus remuants et bien moins pète-sec que les étudiants d'alors, je suis un peu fâchée contre les DRH de la BSG, et si j'ai un jour la chance d'avoir quelqu'un de formé pour me seconder dans mon métier, j'espère être capable de lui donner des missions autrement plus intéressantes que gardien de porte...

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  5. La citation, je l'ai affichée dans mon centre de doc...elle sera ma bouée dans les moments de fatique et avec un peu de chance, elle fera réagir les usagers!

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